Points-Cœur a pour objet d’envoyer des jeunes passer un an et demi par groupes de 4-5 personnes vivre auprès des plus pauvres dans des favela, barrio, bidonvilles à travers le monde.
L’œuvre a été fondée par le père de Roucy et s’appuie sur une fraternité de prêtres (les molokaïs), sur des soeurs (les Servantes de la Présence de Dieu), sur des laïcs consacrés à vie (les permanents). S’y rattache la fraternité Saint-Maximilien Kolbe, qui regroupe des laïcs vivant dans le monde du « charisme » de l’œuvre.
Les molokaïs ont le statut d’association publique cléricale de fidèles de droit diocésain ; les Servantes de la Présence de Dieu, celui d’association publique de fidèles de droit diocésain. Et il existe une association privée de fidèles de droit diocésain qui, semble-t-il, recouvre toutes les activités de Points-Cœur et fait pendant à une association loi 1901 en France, à laquelle s’ajoutent des associations civiles dans chaque pays où Points-Cœur a ouvert un foyer. Le statut des laïcs consacrés, aussi bien civil qu’ecclésial est incertain.
A l’origine, le père de Roucy appartenait à la congrégation des Serviteurs de Jésus et Marie à Ourscamp, dans le diocèse de Beauvais, mais, son évêque s’étant interrogé sur son projet, il alla faire reconnaître Points-Cœur par Mgr Estanislao Esteban Karlic, archevêque de Parana en Argentine. Le successeur de ce dernier se montra moins complaisant et le père de Roucy fut amené à abandonner sa base argentine et à rapatrier l’œuvre en France. En 2008, il demanda un indult de sortie de son ordre et se fit incardiner comme prêtre séculier dans le diocèse de Fréjus. De même, les diverses entités mentionnées ci-dessus, qu’il avait fait reconnaître à Parana, ont été recueillies dans le même diocèse. Quant à la communauté de sœurs qu’il avait fait fonder dans le diocèse de Beauvais sous le nom de Servantes de Jésus et Marie, elle disparut, également en 2008, pour réapparaître aussitôt dans le diocèse de Fréjus sous le nom de Servantes de la Présence de Dieu.
Procès du fondateur
En 2005, l’ancien socius du père de Roucy s’est plaint à son évêque, l’évêque de Beauvais, Mgr James, d’abus qu’il avait subis. Mgr James a saisi la Congrégation pour la doctrine de la foi (15 juillet 2005) qui a confié au cardinal Philippe Barbarin de faire traiter la cause par l’officialité de Lyon (14 novembre 2005). A cette fin, le cardinal a constitué un tribunal placé sous la direction de Mgr Maurice Bouvier (26 février 2006). Le 21 juillet 2011, ce tribunal a reconnu le père de Roucy coupable d’abus de pouvoir, d’abus sexuel et d’absolution du complice. Il l’a condamné à ne pas confesser les membres de Points-Cœur pendant trois ans. La légèreté de la peine a étonné, l’absolution du complice entraînant normalement l’excommunication latae sententiae. Le père de Roucy n’a pas fait appel, reconnaissant ainsi sa culpabilité. Le tribunal l’a également condamné à dédommager sa victime. L’avocat de cette dernière a fait appel sur le montant du dédommagement.
L’appel a été jugé par l’officialité de Montpellier, présidé par le père Francis Waffelaert, qui a rendu sa sentence le 5 mai 2015. Celle-ci a élevé le montant du dédommagement de 70 000 € à 80 000 €. Elle a chargé Mgr Rey de veiller à faire exécuter cette décision dans un délai de 6 mois.
Le père de Roucy ayant par ailleurs refusé de rejoindre son diocèse (alors qu’il vivait jusque-là aux Etats-Unis), Mgr Rey l’a suspendu a divinis le 25 janvier 2016.
En janvier 2017, le père de Roucy n’ayant toujours pas versé les dédommagements dus à sa victime alors qu’il s’est avéré solvable, Mgr Rey lui a notifié son excommunication. Excommunication qui pourra être levée à tout moment s’il s’acquitte de son obligation de dédommagement de sa victime. Le père de Roucy a introduit un recours qui doit être in fine tranché par le Tribunal suprême de la signature apostolique. Le recours est suspensif. Il serait défendu par maître Alan Kershaw, avocat qui serait accrédité auprès de la Rote, ainsi que de la Cour de cassation italienne. Parallèlement, Mgr Rey a demandé le retour du père de Roucy à l’état laïque. Ce dossier a été instruit par la Congrégation pour le clergé, qui vient de rendre sa décision.
Plaintes contre l’œuvre
Depuis la fin du siècle dernier, plusieurs années avant que ne soit engagée une procédure ecclésiale contre le père de Roucy, d’anciens et d’anciennes volontaires ou leurs parents se sont plaints auprès de plusieurs évêques du fonctionnement de l’œuvre elle-même, dont ils dénonçaient les dérives sectaires.
Ainsi, tandis que commençait le procès du père de Roucy, Mgr James, en 2005, a fait ouvrir une enquête canonique sur Points-Cœur, confiée à Mgr Poulain (1927-2015). Puis, à son tour, en 2014 (à compter du 1er janvier ?), Mgr Rey a confié une nouvelle enquête au frère Loïc Le Bot op., qui a rendu son rapport le 3 juin 2014. D’après ce que, dans la presse, Mgr Rey a livré du rapport (évidemment secret comme toutes les procédures dans l’Eglise) il serait notamment reproché à l’œuvre :
- l’enfermement de l’œuvre sur elle-même,
- l’absence de fondements doctrinaux et ecclésiaux,
- la méfiance à l’égard de l’Eglise et de ses pasteurs,
- les lacunes dans la formation,
- la doctrine concernant l’exercice de l’autorité et la conception de la paternité.
Mgr Rey, sur recommandation de la Congrégation pour la doctrine de la foi (lettre du 25 août 2014), chargea alors un commissaire (père Charles Mallard, 19 septembre 2014) d’aider au redressement de la branche sacerdotale et un assistant ecclésiastique d’aider à celui de l’association Points-Cœur (père Frédéric Forel, 29 septembre 2014). Constatant que le commissaire et l’assistant ecclésiastique qu’il avait choisis en 2014 n’avaient pas réussi dans leur mission, Mgr Rey nomma, à compter du 1er janvier 2016, un nouveau commissaire en la personne de Mgr Le Vert, évêque émérite de Quimper en vue du redressement de l’ensemble de l’œuvre, toutes branches confondues. Les tentatives de réforme de l’œuvre se sont heurtées à une vive résistance de la part des dirigeants de Points-Cœur. De nombreux membres ont refusé de coopérer. En particulier, ils ont refusé d’ouvrir leurs comptes au commissaire.
Cette résistance est soutenue par une association (http://compassion-et-verite.org/) qui se répand en invectives, en mensonges et en calomnies sur son site web et dans une longue lettre de 12 pages adressée aux évêques de France en septembre 2016.
L’auteur, M. Palluat de Besset s’en prend violemment à Mgr Rey, Mgr Le Vert, même Mgr James (qui, en tant qu’évêque de Beauvais avait lancé le procès), aux juges des deux officialités ayant jugé le père de Roucy, à la justice ecclésiastique en général, à la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Mgr Rey a répondu le mois suivant par une lettre adressée à ses confrères. Il y faisait état de l’obstruction opposée par les membres de Points-Cœur et laissait clairement entendre qu’ils étaient téléguidés de l’extérieur, c’est-à-dire par le père de Roucy. Il affirmait que l’avenir de l’œuvre était en jeu.
La mission de Mgr Le Vert s’est achevée à la fin de l’année 2016. Il a fait part de ses observations sur le fonctionnement de l’œuvre dans un rapport qui a été remis à Rome par Mgr Rey. Mgr Rey a demandé la suppression de la branche sacerdotale de Points-Cœur (les molokaïs). Celle-ci a introduit un recours, qui est suspensif.
Par ailleurs, Mgr Rey a nommé une commissaire à la tête des Servantes de la Présence de Dieu. Enfin, il a nommé à la tête de l’association Points-Cœur un commissaire en la personne du père Jean-Noël Dol, supérieur du Séminaire de La Castille du diocèse de Fréjus-Toulon.
Les protecteurs du père de Roucy
En France, le père de Roucy a longtemps bénéficié d’une protection incompréhensible de la part de Mgr Rey, qui l’a accueilli, ainsi que son œuvre, dans son diocèse en 2008, alors qu’il ne pouvait pas ne pas être informé des soupçons pesant sur le prêtre et le fonctionnement de son œuvre. Même après sa condamnation en 2011, il a apparemment continué à le protéger. Il a fallu attendre 2016 pour qu’il prenne une première sanction contre lui. Au début des années 2000, le père de Roucy confiait que tous les évêques français étaient contre lui, sauf Mgr Rey et Mgr Barbarin. Quand ce dernier était prêtre dans la région parisienne à Bry-sur-Marne, il lui rendait régulièrement visite à l’abbaye d’Ourscamp et il ne lui aurait pas refusé son soutien dans la procédure engagée contre lui, dont l’officialité de Lyon avait la charge.
En Italie, les liens du père de Roucy avec don Luigi Giussani, le fondateur de Communion et Libération, dont il a traduit plusieurs livres, sont avérés. Le père de Roucy fait également état de sa vieille amitié avec don Massimo Camisasca, fondateur de la fraternité sacerdotale San Carlo Borromeo, branche cléricale de Communion et Libération, aujourd’hui évêque de Reggio-Emilia.
Le père de Roucy aurait également été protégé par le cardinal Ouellet qui partageait comme lui la même admiration pour l’œuvre théologique d’Hans-Urs von Balthasar.
Après avoir dû renoncer à sa base argentine suite à l’enquête canonique dont il faisait l’objet, le père de Roucy, tout en s’installant canoniquement à Fréjus, relocalisa la formation des prêtres de Points-Cœur à Santiago du Chili avec la bénédiction de l’archevêque, le cardinal Cardinal Francisco Javier Errazuriz Ossa. Ce dernier, qui a quitté sa charge en 2010, est bien connu du pape François, qui en a fait un des membres du groupe de neuf prélats chargé de préparer la réforme de la curie. C’est un des protagonistes du scandale qui a éclaté lors de la visite du pape au Chili en janvier 2018 : il lui est reproché d’avoir couvert le père Karadima, condamné par l’Eglise pour pédophilie, et de soutenir l’évêque Juan Barros, également impliqué dans l’affaire. De bonne source, le cardinal Errazuriz aurait continué jusqu’à une date récente à soutenir le père de Roucy au Vatican.
Le sort de Points-Cœur
A présent, reste à régler le sort de l’ensemble de l’œuvre à la suite des différentes enquêtes dont elle a fait l’objet et des tentatives des commissaires et assistants ecclésiastiques successifs nommés pour la réformer. On sait que la dissolution de la branche sacerdotale (prêtres molokaïs) a été prononcée, mais que celle-ci a introduit un recours, en cours d’examen à Rome par le Tribunal de la Signature apostolique.